50.6 milliards d’euros. C’est le montant de la dépense intérieure de recherche et développement en France. L’Hexagone consacre ainsi 2.2 % de son PIB à la R&D. Des chiffres que notre pays entend bien booster pour arriver rapidement au niveau d’investissement de l’Allemagne, de la Chine ou de l’Inde, en forte croissance dans ce domaine. Et pour cela, notre pays regorge d’atouts ! Sa force industrielle bien sûr, renforcée par le Plan de Relance 2030, ses presque 300 000 chercheurs (dont 28 % de femmes) et sa force innovante comme en attestent son quatrième rang dans le système européen de brevets et son sixième rang en termes de production de publications scientifiques. Vous n’êtes pas encore convaincus ? Embarquez avec nous pour un tour complet de la recherche en France en 2022, de la visite d’un laboratoire jusqu’au fleuron de l’innovation en entreprise.
SOMMAIRE
Qui sont les acteurs de la recherche ?
Cocorico : Nobel et médailles Fields pleuvent sur l’Hexagone
Visite d’un laboratoire de recherche fondamentale de l’Institut Jacques Monod
Pourquoi le doctorat est-il fait pour vous !
Droit à l’erreur ou devoir de tester : la prise de risque au cœur de l’innovation
Un docteur dans ma team, ça change quoi ?
Innovation de rupture vs innovation incrémentale : qui gagne le match ?
L’open innovation en question
Qui sont les acteurs de la recherche en France en 2022 ?
La France compte près de 300 000 chercheurs. Parmi eux, 40 % évoluent au sein du secteur public et 60 % sont salariés du secteur privé. Leurs travaux sont publiés dans les plus grandes revues scientifiques mondiales et affichent le quatrième indice d’impact le plus fort du monde. Retour sur les pépites de la recherche made in France.
Tout commence au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Chargé de mettre en œuvre la politique gouvernementale dans ce domaine, il donne le ton côté technique, scientifique et veille même à la bonne communication des résultats de recherche à l’ensemble des citoyens. Ce ministère supervise également tous les établissements de recherche français, comprenant les fondations et organismes spécialisés comme l’institut Pasteur et les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) dont fait notamment partie le célèbre CNRS. Enfin, les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) comme le CNES sont aussi compris parmi les établissements de recherche bleu-blanc-rouge. La différence majeure entre les EPST et les EPIC ? Le statut des salariés, de droit public dans le premier et de droit privé dans le second. En outre, le ministère supervise également les établissements d’enseignement supérieur comme les universités, le Collège de France, les IEP, l’ENS… Vous l’aurez compris, la France a plus d’une structure dans sa poche.
CNRS : le boss des boss ?
Parmi les organismes de recherche publics les plus cotés, le CNRS (premier organisme de recherche au monde en nombre de publications scientifiques), l’Inra ou l’Inserm font partie des plus connus. Mais ils sont loin d’être les seuls, puisque l’Agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, l’accueil et la mobilité internationale en recense 35 ! Pour autant, le CNRS, alias Centre national de la recherche scientifique, reste le plus grand organisme public français et donc, le plus célèbre. C’est aussi un établissement extrêmement fiable dans le cœur des citoyens, puisque d’après un sondage réalisé en 2009 par la Sofres pour Sciences Po, le CNRS bénéficie d’un niveau de confiance de 90 % auprès des Français.
Concrètement, le CNRS évalue, contribue et développe la recherche et participe aux analyses des perspectives d’évolutions scientifiques nationales et internationales. Cet organisme est acteur dans tous les domaines de la recherche scientifique, notamment l’environnement et les énergies, le vivant, les nanosciences et nanotechnologies, les astroparticules… Et bien plus encore !
INRA, Inserm, CNES … le graal de la recherche en France en 2022 ?
Outre le CNRS, de nombreux autres EPST sont fréquemment cités. Mais êtes-vous au clair avec les principaux ? L’INRA a notamment récemment fusionné avec l’IRSTEA pour devenir l’INRAE, a.k.a l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement. Un institut dont les recherches se concentrent sur une alimentation plus saine et une agriculture respectueuse de l’environnement. Du côté de la santé, l’Inserm est le seul organisme public français entièrement dédié à la recherche biologique et médicale sur les populations, d’où sa réputation. En revanche, d’autres fondations complètent la recherche dans ce domaine crucial, comme l’Institut Curie consacré à la recherche et au traitement des cancers, ou encore l’Institut Pasteur spécialisé dans les maladies infectieuses, la microbiologie et l’immunologie.
Concernant les EPIC, nous pouvons recenser le CNES (Centre national d’études spatiales), l’ADEME (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) ou encore l’INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques). Mais maintenant que vous êtes incollables sur le maillage des organismes de recherche et d’enseignement en France et sur certains de leurs sigles et acronymes, il est temps de s’intéresser aux grands chercheurs français !
Cocorico : Nobel et médailles Fields pleuvent sur l’Hexagone
Pas besoin de remonter à Marie Curie pour prouver que la France est une terre de Nobel. Esther Duflo en économie (2019), Gérard Mourou en physique (2018), Patrick Modiano en littérature (2014) : pas moins de 65 Prix Nobel sont Français. Les médailles Fiels ne manquent pas non plus en France, en étant deuxième au niveau mondial (derrière les USA) en la matière. Suivez le guide pour un rapide tour d’horizon des chercheurs tricolores !
Quatrième nation à avoir reçu le plus de Prix Nobel dans le monde derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, notre pays n’a pas à rougir de sa recherche, bien au contraire. En totalisant 15 lauréats dans le domaine de la littérature, la France est même championne de cette catégorie. Et du côté des sciences, c’est en physique et physiologie-médecine que l’on cumule le plus de récompenses.
La crème des Nobel
Décernés pour la première fois en 1901, le Prix Nobel récompense des chercheurs et personnalités ayant apporté un grand bénéfice à l’Humanité. Il salue aussi bien les inventions scientifiques que les œuvres littéraires, ou même les personnes ayant contribué à la paix dans le monde. Parmi les Prix Nobel les plus célèbres, ceux de littérature sont étudiés dès le plus jeune âge sur les bancs de l’école. Albert Camus (primé en 1957), Jean-Paul Sartre (lauréat en 1964 bien qu’il ait refusé le prix) ou encore Patrick Modiano (récompensé plus récemment en 2014) font partie du patrimoine culturel français.
Du côté scientifique, c’est en physique que notre pays cumule le plus de récompenses. Son dernier lauréat en date est Gérard Mourou, primé en 2018 pour ses travaux sur les champs électriques et le laser optique. A noter aussi que seules cinq Françaises ont reçu ce prix : Marie Curie (en 1903 et 1911), sa fille Irène Joliot-Curie (en 1935), Françoise Barré-Sinoussi (en 2008), Esther Duflo (en 2019) et Emmanuelle Charpentier (en 2020). A en croire les dates des deux dernières lauréates, le rythme tend à s’accélérer pour les femmes !
Une réussite au Fields des ans
Savez-vous combien de médailles Fields les Français cumulent-ils ? Quatorze ! Souvent considérée comme le Prix Nobel de mathématiques, elle est attribuée tous les quatre ans depuis 1936 à des mathématiciens de moins de 40 ans. Depuis 1966, jusqu’à quatre lauréats peuvent être distingués par édition. Parmi les mathématiciens célèbres qui ont remporté ce prix, nous pouvons citer Laurent Schwartz, premier Français à avoir reçu la médaille Fields en 1950. Cédric Villani, vainqueur en 2010, s’est aussi fait largement connaître du grand public en passant des sciences à la politique en devenant député. Enfin, Hugo Duminil-Copin est LE nom à connaître, puisqu’il est le dernier lauréat français ayant reçu cette distinction le 5 juillet 2022.
Visite d’un laboratoire de recherche fondamentale de l’Institut Jacques Monod : la recherche en France en 2022 IRL !
Lorsque l’on parle de laboratoire de recherche, on imagine des chercheurs en blouse blanche, manipulant des éprouvettes qui fument. Surprise : la réalité est tout autre ! Et si les travaux pratiques sont une part importante du travail, la méthodologie, les prises d’initiatives parfois non-concluantes et la rédaction d’articles font partie de leur quotidien. Préparez vos lunettes de protection, un labo vous ouvre ses portes.
L’Institut Jacques Monod est une unité mixte de recherche en biologie affiliée au CNRS et à Université Paris Cité. Une trentaine d’équipes sont ainsi regroupées dans cette antenne spécialisée en recherche fondamentale. Pour mieux comprendre les mécanismes de la recherche, nous avons passé une matinée en compagnie de l’équipe de chercheurs de Julien Dumont, spécialisée sur la thématique de la division cellulaire dans la reproduction. En observant au mieux les mécanismes qui permettent aux gamètes de se diviser, son équipe de chercheurs mène des expérimentations sur un petit ver transparent d’un millimètre de long qui peut être coloré par fluorescence et observé au microscope. Difficile d’imaginer qu’une espèce hermaphrodite sans cerveau puisse aider à comprendre la division cellulaire des êtres humains… Bienvenue dans le milieu de la recherche fondamentale !
La recherche fondamentale porte bien son nom
Pour mieux comprendre la finalité des travaux de ces chercheurs, il est nécessaire de rappeler qu’il existe deux types de recherche : la fondamentale et l’appliquée. Julien Dumont, directeur de recherche au CNRS et responsable de l’équipe de recherche Division Cellulaire et Reproduction, explique la distinction. « La recherche appliquée peut être menée dans des entreprises privées ou dans des laboratoires de recherche publics. Le meilleur exemple pour l’illustrer, c’est ce que nous avons vécu avec le Covid-19 lorsqu’il a fallu développer un vaccin très rapidement. La recherche s’est ainsi mise à l’œuvre au service de la santé pour le produire. Mais les vaccins ARN ne sont pas tombés du ciel : cette technologie émane de recherches fondamentales initiées 40 ans auparavant. Ainsi, la recherche fondamentale a pour but principal de répondre à des questions pour faire avancer la société Il n’y a pas de finalité d’application immédiate mais les deux sont liées : il n’y a pas de recherche appliquée sans recherche fondamentale en amont. » En clair, la recherche fondamentale permet de découvrir des mécanismes qui serviront plus tard à développer des médicaments et outils.
Avis de recherche
Mélanie Aubry, doctorante
Mélanie est en deuxième année de doctorat dans l’équipe de recherche de Julien Dumont. Elle prépare actuellement une thèse en biologie reproductive visant à comprendre une des causes de la trisomie. Son travail consiste à expliquer les mécanismes impliqués dans la division cellulaire qui produit l’ovocyte. Concrètement, elle cherche à savoir « ce qui fait qu’on a le bon nombre de chromosomes dans l’ovule à la fin » explique-t-elle. Un sujet vaste pour seulement trois ans de thèse !
Vis ma vie de chercheur
La jeune doctorante déambule fait la visite du laboratoire. Salle des microscopes, paillasses de laboratoire où se cumulent les récipients, mais aussi incubateurs dans lesquels sont stockés des milliers de vers en pleine croissance. Elle en profite pour revenir sur ce qui l’a amenée jusqu’ici. « Quand j’ai commencé mon stage en master 2 dans cette équipe, je n’avais pas prévu de faire une thèse. Je me suis prise au jeu au fur et à mesure : maintenant, mon papier, c’est mon bébé ! » Et si elle se voit plutôt s’orienter vers une carrière dans le privé à la fin de sa thèse, elle reconnaît prendre énormément de plaisir dans son travail quotidien. « C’est comme un jeu ou une enquête : tu as des clés au départ qui te font te poser une multitude de questions. Puis, tu vas commencer à découvrir des choses qui te font te poser d’autres questions et ainsi de suite… Il vaut mieux avoir un esprit logique, protocolaire et être organisé pour ne pas se perdre dans ses recherches ! » fin encadré
Envie de devenir un pro de la recherche en France en 2022 ? Voilà pourquoi le doctorat est fait pour vous !
Et si vous deveniez chercheur ? Alors qu’on ne compte que 10 chercheurs pour 1 000 actifs en France, 71 159 étudiants étaient inscrits en doctorat à la rentrée 2018 et 14 100 doctorats étaient délivrés la même année. Et si vous suiviez leur exemple ? Grâce aux témoignages de plusieurs docteurs et doctorants de l’équipe de Julien Dumont, suivez cette check-list pour enfin savoir si le doctorat est fait pour vous.
Layla El Mossadeq est doctorante en quatrième année et travaille sur l’implication des membranes dans la division cellulaire. Aujourd’hui passionnée de recherche et déterminée à vouloir continuer dans cette branche, elle n’avait pourtant pas cet objectif plus jeune. Layla se destinait en effet plutôt à devenir médecin. Lors d’un stage d’observation, elle s’est rendue compte que le côté scientifique la faisait davantage vibrer que la relation humaine inhérente au métier de médecin. « Je me suis donc réorientée en biologie et, dès que j’ai commencé, j’ai su que je voudrais faire de la recherche fondamentale » raconte-t-elle. Le secret pour se lancer vous aussi dans un doctorat de recherche? « Être passionné et curieux, c’est le plus important ! » Et malgré le nombre d’heures de travail, la jeune femme ne se verrait pas quitter la recherche pour s’orienter vers le privé.
Faire de la recherche en France en 2022 : l’antithèse du desk job
Tout comme sa collègue, Shreya Karuvat Anand aime profondément la recherche. Actuellement stagiaire au sein de l’équipe dans le cadre de son master 2 en Erasmus, elle aime surtout pratiquer sur les paillasses. « J’aime pouvoir bouger de pièce en pièce. Ce n’est pas un travail de bureau et ce n’est pas un travail que l’on peut ramener chez soi. Il faut donc être à fond pendant les heures de présence à l’institut pour faire ses recherches et expériences. » Un point de vue partagé par Thadshagine Ganeswaran, assistante ingénieure dans l’équipe. Même si elle n’a pas son propre projet de recherche, cette contractuelle est amenée à aider les autres chercheurs. « Dans ce métier, je trouve fascinant de découvrir de nouveaux procédés, de nouvelles mécaniques. Mais ce qui est important, c’est de persévérer et de ne jamais lâcher, car on est souvent confronté à des échecs. »
Avis de recherche
Nicolas Macaisne, post-doctorant
Nicolas est l’expérimenté de l’équipe. Ce post-doctorant travaille sur les mécanismes qui permettent aux chromosomes de se séparer correctement lors de la production des gamètes. Depuis sa thèse en 2010, il travaille depuis 12 ans sur cette thématique. Au départ mal orienté vers une prépa HEC, il a découvert sa passion pour la science et la recherche sur le tard. Un témoignage qui devrait inspirer plus d’un étudiant en quête de sens !
Tout est bon dans la bio
Après sa première expérience non-épanouissante en école de commerce, Nicolas s’est beaucoup questionné sur ses envies. Il en ressort alors une évidence : il aime la biologie ! « Je l’ai toujours adorée depuis le collège. J’étais féru de reportages sur la faune et la flore, par exemple ! » Une fois arrivé en fac de bio, il découvre la recherche et notamment la génétique, discipline qui le passionne toujours aujourd’hui. Son conseil de chercheur qu’il tire de son parcours : « il faut toujours être curieux, ne pas avoir peur de poser des questions, même si elles paraissent bêtes. Et puis, plus tu es jeune, moins on t’en voudra ! » fin encadré
Droit à l’erreur ou devoir de tester : la prise de risque au cœur de l’innovation
Laisser la porte grande ouverte à la prise d’initiatives : un des meilleurs moyens de rendre vos collaborateurs plus performants ! Plus qu’un droit à l’erreur, accordez-leur un droit, voire même un devoir, de tester. On vous donne le mode d’emploi basé sur les méthodes de recherche des chercheurs de l’Institut Jacques Monod.
#1 Définir une thématique de recherche
Avant de se lancer dans des recherches et expérimentations, tout chercheur se voit attribuer une problématique à laquelle il tente de trouver des réponses. A l’image de Julien Dumont, qui chapeaute son équipe. « Je donne les orientations scientifiques que l’on doit prendre dans l’équipe. Je définis ainsi la grande thématique générale de l’équipe qui détermine les questions sur lesquelles les chercheurs travaillent. » En entreprise, les recherches visant une innovation précise doivent aussi être définies en amont. Et si la finalité n’est pas le but en recherche fondamentale, vous pouvez tout de même vous fixer un but, afin de garder le fil.
#2 Mettre en place un cadre temporel
La grande différence entre une entreprise et un laboratoire de recherche ? Le laps de temps laissé aux chercheurs. Les acteurs du privé ont généralement comme finalité de chercher et développer une innovation pour faire du profit. « Souvent, ils travaillent sur un projet pendant quelques mois et si ça n’a rien donné, ils arrêtent et passent à autre chose car ils ne peuvent pas s’investir trop longtemps sur une recherche qui ne donne pas rapidement des résultats. En recherche fondamentale, nous avons un peu plus de temps pour faire des découvertes sachant qu’à la fin, nous n’avons rien à commercialiser » explique le directeur de recherche. Un état d’esprit inspirant et bénéfique, surtout pour le bien-être des collaborateurs !
#3 Travailler avec un superviseur
Impossible de garder la tête froide dans vos expérimentations si vous êtes seuls dans le bateau. Pour cela, des points d’étape réguliers avec un responsable sont nécessaires, notamment pour pouvoir prendre du recul sur votre projet. « Il faut avoir un cerveau avec des cases bien organisées, une bonne mémoire, être capable de se souvenir de ce que chacun fait. En tant que responsable, nous avons quand même un recul particulier, une vision intégrée des choses » témoigne Julien Dumont sur son rôle de superviseur.
#4 Rebondir à chaque échec
Le travail de chercheur s’apparente parfois à celui d’un aventurier qui ne sait pas toujours dans quel lieu il va atterrir ! Tâtonner, essayer, échouer et refaire sont le quotidien d’un chercheur en laboratoire. « Même si on a la meilleure hypothèse du monde et qu’on pense avoir la meilleure approche pour tester cette hypothèse, la réalité, c’est qu’au quotidien, on est souvent confronté à des échecs » atteste Julien. En entreprise aussi, il est donc nécessaire d’accepter l’erreur et de s’en nourrir si vous souhaitez venir à bout de votre projet d’innovation.
#5 Se donner les moyens de réussir
Bien sûr, tout cela a un coût moral et financier. Travailler sur un projet de recherche ou créer une nouvelle innovation demande beaucoup d’investissement en termes de temps, mais aussi d’argent. Votre degré d’investissement personnel pourra vous aider à obtenir des moyens financiers pour continuer votre travail. A l’image de certains thésards qui parviennent à obtenir des moyens pour financer une année de plus de recherche, valorisez le fruit de vos recherches pour obtenir plus de temps ou de moyens. Il n’y a que de cette manière que votre travail sera apprécié et valorisé à sa juste valeur !
La recherche en France en 2022, c’est aussi dans l’entreprise qu’elle se fait
Un docteur dans ma team, ça change quoi ? Plus de 55 % des chercheurs en entreprise sont issus d’une école d’ingénieurs et seulement 12 % sont titulaires d’un doctorat. Et pourtant, les docteurs ont toutes les qualités plébiscitées par les entreprises aujourd’hui : compétences scientifiques pointues, mais aussi communication, management, gestion de projet… Si bien qu’ils maîtrisent parfois mieux ces nouveaux must have que les consultants de cabinet de conseil que s’arrachent les entreprises. Qu’en pensent les experts et principaux intéressés ?
Elisa Salvador est docteur et professeur responsable du module Management de l’Innovation et de la Créativité à l’ESSCA. Elle est également habilitée à encadrer des doctorants et publie fréquemment des articles de recherche. Au quotidien, elle constate que « les doctorants développent un bagage de connaissances tacites. Ils font preuve de rigueur, flexibilité, créativité, détermination… Ils ont aussi une grande capacité de concentration, d’organisation et de gestion de projet. »
Une perche à saisir
Côté relationnel et méthodologie, « les docteurs acquièrent la capacité de parler à des acteurs différents, issus du monde de la recherche mais aussi d’entreprises. Pour mener des entretiens, ils sont amenés à réaliser des enquêtes auprès d’entreprises et à lire des centaines d’articles ! » Des compétences essentielles qu’ils gagneraient à mettre en avant auprès d’employeurs dans le secteur privé. Pour Elisa Salvador, « il faudrait construire des liens plus forts entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise. Notamment en mettant en place plus de projets de recherche en entreprise. »
D’ailleurs, son conseil est simple : elle préconise de rejoindre une société qui finance de la recherche pour réaliser sa thèse. Elle constate effectivement qu’une entreprise participe financièrement à des projets de recherche lorsqu’elle a été créée ou cofondée par un acteur qui vient de ce monde-là (un professeur, un chercheur…). Travailler sur un sujet de recherche en lien avec une entreprise peut ainsi être une bonne astuce si vous souhaitez vous orienter vers la recherche dans le secteur privé.
Avis de recherche
Laras Pitayu, post-doctorante en entreprise
D’origine indonésienne, Laras est arrivée en France en 2009 pour suivre un master suivi d’une thèse en biologie. Intégrée à l’équipe de recherche de Julien Dumont au sein de l’institut Jacques Monod, elle s’est épanouie durant ses cinq ans de pratique en recherche fondamentale. « En Indonésie, nous ne faisons pas de recherche fondamentale, uniquement de l’appliquée. Et après plusieurs années dans ce domaine, cela me manque un peu de me sentir utile pour tout de suite ! »
Du public au privé
Après avoir fini son projet de post-doctorante fin janvier 2022, Laras a choisi de s’orienter dans la recherche en entreprise. « Si je pars dans le privé, ce n’est pas parce que je n’aime plus la recherche fondamentale. Au contraire, c’est grâce à la recherche fondamentale que j’en suis là ! Mais j’ai le projet de déménager dans mon pays natal, je dois donc chercher quelque chose de plus adapté car nous ne faisons que de la recherche appliquée. »
A quels postes prétendre dans la recherche en France en 2022 ?
Durant ses recherches, Laras a surtout postulé à des offres de startups spécialisées en biotechnologies, à des postes de field application scientist et de technical sales engineer. Elle conseille ainsi de choisir les startups ou entreprises en fonction de l’appétence aux technologies qu’elles développent. « Au début, je visais uniquement des postes avec des travaux sur la paillasse. Beaucoup se focalisent sur ce genre de jobs, mais les entreprises recrutent souvent des docteurs pour leur méthode. Elles ont notamment besoin de profils capables de comprendre les technologies qu’elles développent et de les expliquer aux clients. » Enfin, des postes de chef de projets ou de chargé d’innovation sont également très ouverts aux chercheurs, comme en atteste Elisa Salvador.
Innovation de rupture vs innovation incrémentale : qui gagne le match ?
Parler innovation, c’est bien, mais en comprendre les finalités, c’est mieux ! Alors que l’innovation incrémentale est une amélioration des connaissances existantes, l’innovation de rupture émerge quant à elle à la suite d’un changement profond et renouvelle complètement les connaissances. Mais dans ce monde profondément incertain qu’est celui de 2022, quelle est la plus vertueuse ?
Au commencement, il y avait la rupture
Dans ses cours à l’ESSCA, Elisa Salvador prend soin de définir et distinguer ces deux types d’innovations. Elle définit ainsi l’innovation de rupture comme « une innovation qui consiste à proposer un nouveau produit ou de nouveaux services qui changent radicalement les pratiques habituelles des consommateurs ou bénéficiaires. Un exemple parlant : lorsque Coca-Cola est arrivé sur le marché, la boisson a connu un énorme succès, c’était une innovation de rupture. Maintenant, le groupe multiplie les innovations incrémentales sur le design, la bouteille proposée, la recette sans sucre… L’innovation incrémentale apporte des améliorations à des produits ou processus qui existent déjà en changeant année après année un produit ou un service qui existe déjà. » Son exemple phare : les smartphones. Alors que le premier iPhone était une innovation de rupture, les versions successives que nous découvrons chaque année sont des innovations incrémentales.
Le cas de l’innovation numérique
Julien Malaurent est directeur académique de l’Executive Master en Transformation digitale et responsable du Metalab de l’ESSEC et du campus numérique augmenté. Il explique qu’au sein des programmes de l’école, on se focalise davantage sur les innovations incrémentales en étudiant de nombreux cas d’usages. « Parfois, nous étudions des approches big bang où des entreprises passent radicalement d’un modèle à un autre, en rupture. Ces phénomènes sont possibles pour les pure players car ils ont les moyens informatiques et les ressources humaines pour toujours être à la pointe des technologies. Mais dans le reste des entreprises, on observe plutôt des innovations technologiques incrémentales. Par conséquent, l’écart grandit de plus en plus entre les pure players et les acteurs traditionnels. »
Le directeur académique prend notamment l’exemple des acteurs traditionnels de l’hôtellerie qui n’ont pas vu la menace d’un pure player comme AirBnB. Aujourd’hui, les hôteliers arrivent petit à petit au même résultat (facilité de réservation via internet, applications…), mais de manière plus lente. « Un des grands enjeux de l’innovation consiste à maintenir une évolution rapide et incrémentale pour ne pas perdre le train des pure players qui vont très vite dans l’innovation » rappelle ainsi Julien Malaurent.
Innover, oui, mais de manière responsable !
Reste une question, et non des moindres, concernant la vertu de l’innovation. Aujourd’hui, certaines entreprises développent des améliorations de produits existants avec des modifications technologiques minimes dans des logiques de profit. « Les deux types d’innovation peuvent être vertueux dès lors qu’il en est fait une utilisation responsable, rappelle Elisa Salvador. Si la nouvelle version a comme seul but le profit et de faire changer les utilisateurs de smartphone par le biais d’un marketing poussé, alors ce n’est pas vertueux. Pour chaque innovation, il faut se demander quel avantage vont en retirer la société et la planète. » Un point de vue partagé par Julien Malaurent, qui précise qu’une innovation incrémentale vertueuse se doit d’être continue. « Il faut aussi être en capacité de mesurer toutes les externalités positives et négatives pour accompagner l’innovation tout au long de sa vie, tout en pensant déjà à l’inno d’après. »
L’open innovation au cœur des enjeux de la recherche en France en 2022
Selon une étude Elabe sur les nouvelles attentes des Français envers les entreprises, parue en 2020, deux-tiers des Français estiment que les entreprises ont le pouvoir d’améliorer le monde. Elles sont même le quatrième acteur le plus cité après les soignants, les citoyens et les maires. Mais pour changer le monde, il faut innover et pour innover… il ne faut pas être isolé. C’est donc tout naturellement que de plus en plus d’entreprises investissent dans et par l’open innovation. Décryptage du phénomène.
L’innovation ouverte consiste tout simplement à partager ses recherches et expertises avec d’autres entreprises afin de faire de nouvelles découvertes dans un secteur donné. Pour cela, il est nécessaire de recevoir, mais surtout de partager ses savoirs afin de faire avancer la machine commune. Serge Passolunghi, intervenant à l’Efrei sur l’innovation et la transformation digitale des entreprises, connaît bien ce phénomène. Il l’a notamment mis en pratique pour deux grands groupes automobiles qui l’avaient sollicité pour monter un laboratoire d’open innovation dans le Silicon Valley. « C’est une pratique qui remonte à plus de 30 ans. Cela consiste à externaliser des activités d’innovation, mais aussi à intégrer des innovations de l’extérieur. Au-delà de ça, il s’agit de maximiser et développer tout l’écosystème qui gravite autour de sa propre activité » explique-t-il.
La meilleure manière d’innover ?
Cette pollinisation entre différents acteurs d’un milieu permet de développer des innovations plus fortes grâce au pouvoir du collectif. « Pour que tout se passe bien, il vaut mieux éviter de s’éparpiller, il y a un tel foisonnement d’acteurs que l’on peut très vite papillonner. Il faut garder en tête les raisons de sa présence dans un tel écosystème, notamment en définissant une thématique ni trop petite, ni trop grande. En même temps, il faut être prêt à saisir des opportunités, rester curieux et à tout ce qui peut se présenter à nous. » Et l’expert est formel : si l’entreprise joue le jeu de l’ouverture, l’innovation sera au rendez-vous !
L’open innovation à la française
Depuis la création du label French Tech et le grand travail fourni par la BPI pour faire rayonner les entreprises françaises, le pays compte parmi les plus innovants. Serge Passolunghi est d’ailleurs « agréablement surpris par la richesse de l’écosystème français. On voit bien qu’il y a un coup de lumière qui a été mis sur cette force vive. Nous avions déjà un système académique d’un grand niveau scientifique. Mais ce qui est nouveau, c’est cet esprit d’entrepreneurship qu’il n’y avait pas avant les années 2010. Aujourd’hui, il n’y a pas une grande école qui n’a pas un accélérateur et incubateur de startups et les jeunes ont de plus en plus envie de créer leur entité plutôt que de se faire embaucher par un grand groupe. » Alors même si certaines entreprises n’osent pas partager leurs idées au grand jour, nous pouvons compter sur la nouvelle génération pour faire sauter les dernières barrières et faire de l’open innovation la nouvelle norme.
Les T-shaped et les slashers sont au premier rang
Il n’y a pas que les entreprises qui innovent, côté candidats, la rupture est aussi de mise. Plus question de rester cantonné à son expertise, son secteur, ou son métier, l’heure est à l’hybridation. De cette dynamique, naissent les profils T-shaped. La barre du T représentant l’expertise propre au métier de la personne et la barre horizontale, sa capacité à comprendre les sujets transversaux et à collaborer avec des personnes d’autres spécialités. Un profil capable d’exercer divers métiers variés, même s’il est spécialisé dans un domaine. Pratique pour innover !
Autre incarnation de l’hybridation : les slashers. Ces personnes exercent des activités sous différents statuts ou dans des domaines différents. Ils sont à la fois comptables, standuppers et barmans, ou bien cadreurs-monteurs et vendeurs, et le CDI ne les fait plus rêver. Un seul mot d’ordre : la passion et la possibilité de s’ouvrir continuellement à de nouveaux secteurs. Des profils qui, eux aussi, font preuve d’une grande capacité de création et d’innovation.